La Beuvronne, l'une des rivières de Seine et Marne les plus polluées par les pesticides... qui devraient voir une partie de ses affluents rayée de la carte IGN.
Pour mieux comprendre voir ci-dessus, la photo du ruisseau de la Plaine aux Bois à Montgé en Goële, un ru qui est actuellement protégé des nuisances de l'agriculture intensive par une bande enherbée sur laquelle les agriculteurs n'ont pas le droit de déverser des pesticides.
Si Jean-Luc Marx, préfet du 77, décide de déclasser ce ru, il n'apparaîtra plus sur les cartes IGN, sera considéré comme un fossé et les agriculteurs pourront supprimer la bande enherbée et déverser des pesticides au bord de ce ru, ce qui accroîtra la pollution de la Beuvronne, une rivière déjà bien maltraitée.
Le ruisseau de la Plaine aux Bois prend sa source dans la forêt de Montgé en Goële, c'est l'un des rus qui forme la source de la Beuvronne.
Paru sur le site Reporterre :
La nouvelle cartographie des cours d’eau menace l’intérêt général
2 mars 2017 / Lorène Lavocat et Fabrice Nicolino (Reporterre)
Est-ce un cours d’eau ou un fossé ? La question n’a rien d’anodin : épandage de pesticides et travaux d’aménagement sont interdits à proximité du premier, mais autorisés autour du second. Le déclassement possible de nombre de cours d’eau menace la qualité de notre environnement.
Cet article est le dernier de l’enquête que Reporterre consacre à la définition de la carte de France des cours d’eau.
1. « Quand le gouvernement et la FNSEA redessinent la carte des cours d’eau ».
2. « La FNSEA veut faire disparaître les petits cours d’eau de nos cartes ».
Impulsée par la FNSEA, la cartographie des cours d’eau pourrait à terme bouleverser profondément la géographie de nos territoires et la qualité de notre environnement. Ce qui se joue dans les couloirs des préfectures n’a donc rien d’anodin. Derrière des termes techniques et des formulaires compliqués, se dessine une menace écologique grave sur la qualité des rivières du pays.
Comme Reporterre vous le racontait hier, près d’un cours d’eau sur cinq pourrait être déclassé en fossé ou ravine… et ainsi sortir du cadre protecteur de la loi sur l’eau. « C’est principalement le cas des têtes de bassin, notamment celles des petites rivières », précise Bernard Rousseau, spécialiste de l’eau à France nature environnement (FNE). Ces têtes de bassin sont constituées de rus, de ruisseaux et d’aubettes qui représentent l’arborescence — le chevelu — en amont des rivières et des fleuves.
Ce chevelu, bien qu’épars et instable, joue un rôle écologique fondamental. Refuge de biodiversité, il détermine, de par sa position en amont, la qualité de l’eau en aval. C’est pourquoi « l’enjeu principal est par rapport aux zones de traitement : au bord des cours d’eau, les traitements phytosanitaires sont très réglementés, ce n’est pas le cas auprès des simples fossés », résume Bernard Rousseau. La directive nitrates de 1991, l’arrêté de 2006 sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, puis le Grenelle de l’environnement préconisent ainsi des zones non traitées et des bandes enherbées de cinq mètres minimum aux abords des points d’eau. Loin d’être symboliques, ces bandes sans pesticide permettent de maintenir un filtre vert, une « zone tampon », afin de limiter les transferts de produits phyto vers les eaux de surface. Ce sont de petites stations d’épuration. L’équation est donc simple : sans zone libre d’épandage, les cours d’eau déclassés vont voir la concentration en pesticides augmenter. « Si l’on se met à traiter en amont, ça se retrouvera en aval. C’est la qualité de notre chevelu qui fait la qualité des cours d’eau », conclut Henri Delrieu, de l’association environnementale Le Chabot.
« Pour la FNSEA, le cours d’eau est pris une entrave au développement agricole »
Autre enjeu : les travaux effectués sur les cours d’eau sont soumis à des règlementations strictes (demande d’autorisation préalable, information à la police de l’eau). Si les ruisseaux deviennent des fossés, les recalibrages et les rectifications pourraient donc se multiplier. Or,«la modification de la morphologie, à la suite de ces travaux, conduit à un surdimensionnement du lit du cours d’eau qui entraîne une diminution de la hauteur d’eau et souvent uneaugmentation de sa température, aggravant ainsi les phénomènes d’eutrophisation, comme avec les algues vertes, explique Christian Weiss, responsable de ces questions à FNE Ile-de-France. On constate aussi une dénaturation du substrat constituant le fond du lit, les structures d’abris — gravières, roches, sous-berges — et les écosystèmes végétaux disparaissent. » Ces aménagements peuvent également favoriser des écoulements torrentiels, sans parler des impacts sur la biodiversité.
Une perspective bien sombre, alors que la France s’est engagée auprès de l’Europe à atteindre un bon état écologique des cours d’eau d’ici à 2027… et que pour l’instant, cet objectif n’est atteint que pour un tiers des masses d’eau. « Pour la FNSEA, le cours d’eau est pris comme une contrainte, une entrave au développement agricole, regrette Gilles Huet, d’Eau et rivières de Bretagne. Mais un cours d’eau doit être protégé, afin d’éviter la destruction des milieux aquatiques dont nous dépendons pour notre propre survie. »
Cette histoire de cartographie illustre à nouveau le triste triomphe des intérêts privés sur l’intérêt général, la primauté du court-termisme sur l’avenir de notre planète.
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