Paru sur le site Airinfo :
Nuisances aéroportuaires : l’ACNUSA demande des mesures fortes
Jérôme RENAUD / il y a 3 heures
À l’occasion de la publication de son rapport annuel ce lundi 13 mars, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a appelé à des mesures fortes en faveur des populations riveraines des aéroports, comme le rachat par les aéroports des immeubles d’habitation en zones les plus exposées au bruit, le renforcement du dispositif d’aide à l’insonorisation, l’obligation d’informer par écrit les futurs acquéreurs et locataires sur la localisation du bien par rapport à une plateforme aéroportuaire et sur le niveau de bruit en découlant, le déplafonnement de la Taxe sur les Nuisances Sonores Aériennes (TNSA) payées par les compagnies aériennes, ou encore le doublement du plafond des amendes qu’elle peut infliger à ces compagnies.
L’ACNUSA, composée de huit membres nommés par le gouvernement et de deux membres nommés par les présidents de l’Assemblée et du Sénat, veut donner une résonance particulière à ses recommandations en cette année 2017, à la veille des élections Présidentielle et législatives. Selon ses chiffres, 6,5 à 7 millions de personnes sont aujourd’hui survolées plusieurs fois par jour par des avions évoluant à moins de 2 000 mètres au-dessus du sol.
Sa demande récurrente, afin de réduire les nuisances nocturnes, de limiter les aéronefs autorisés à ceux dont la marge acoustique cumulée est d’au moins 13 EPNdB a été cette année modifiée au vu de l’expérience acquise sur certains aéroports : elle ne couvre plus la seule période dite du « cœur de nuit » (soit minuit – 5 heures) mais a été élargie à une plage de 23 h 30 à 6 heures du matin, ce qui permet de mieux protéger le repos des riverains.
Au-delà de cette mesure symbolique, le rapport contient plusieurs autres propositions.
- L’ACNUSA propose notamment que les aéroports qui ont au moins une moyenne de 20 mouvements par nuit (entre 22 heures et 6 heures) rachètent les immeubles d’habitation situés en zone I du plan de gêne sonore PGS à un prix équivalent de celui pratiqué dans les zones voisines non soumises aux nuisances aéroportuaires.
L’autorité explique : « s’il est interdit de construire de nouveaux logements dans les zones I du PGS, les familles y résidant déjà se retrouvent piégées par la perte de valeur de leur bien, en plus des conséquences sanitaires de leur exposition au bruit (hypertension, troubles du sommeil, anxiété).Si la réglementation prévient donc l’installation de nouveaux habitants dans ces zones, elle ne prévoit en revanche aucune disposition pour la population résidente, qui en subit les conséquences sur un plan sanitaire et financier » .
- L’ACNUSA propose aussi d’introduire l’obligation pour les notaires, agents immobiliers et propriétaires vendant ou louant un bien dans les zones du PGS ou du plan d’exposition au bruit (PEB) d’un aéroport, d’informer par écrit les futurs acquéreurs et locataires sur la localisation du bien par rapport à la plateforme et sur le niveau de bruit en découlant. Cette information doit permettre d’avoir l’ensemble des éléments pour prendre une décision éclairée.
- L’ACNUSA recommande également que les locataires puissent déposer eux-mêmes un dossier d’insonorisation pour le logement qu’ils habitent. « Cette aide leur permettrait d’améliorer leur qualité de vie, en mettant fin à l’injustice d’une aide accessible aux seuls riverains propriétaires de leur logement à l’heure actuelle. Elle propose également une solution pour le cas où le montant des travaux excéderait celui de l’aide, afin que le locataire n’ait pas à assumer une dépense relevant normalement du propriétaire » , détaille l’autorité.
- Par ailleurs, l’ACNUSA demande au Gouvernement de déplafonner la Taxe sur les Nuisances Sonores Aériennes (TNSA) payées par les compagnies aériennes, pour que cette taxe « puisse pleinement remplir son rôle d’indemnisation des riverains en application du principe pollueur – payeur » . L’autorité précise que « des propositions parlementaires ont été déposées en ce sens lors de l’examen des derniers projets de loi de finances, repoussées à plusieurs reprises par le Gouvernement, qui a jusque-là préféré affecter le surplus de cette taxe au budget de l’État plutôt que d’abonder l’indemnisation des riverains. Selon l’Autorité, il s’agit d’un véritable détournement de fonds publics » .
- Enfin, l’ACNUSA voudrait porter le plafond des amendes qu’elle peut infliger aux compagnies aériennes pour manquement à la réglementation de 40 000 à 80 000 euros, ainsi qu’elle le proposait en 2012. Elle souhaite par ce biais dissuader réellement les compagnies de violer les règles visant à protéger les populations autour des aéroports.
Rappelons que l’Autorité a un pouvoir de sanction en cas de manquement aux mesures environnementales prises par le ministre chargé de l’aviation civile. Depuis le 1er janvier 2014, le montant du plafond des amendes a doublé et est passé pour certains manquements de 20 000 à 40 000 €.
En 2016, 435 dossiers ont été instruits, concernant 158 compagnies : 118 dossiers n’ont pas fait l’objet d’une amende ; 317 dossiers ont donné lieu à l’infliction d’amende pour un montant total de 4 785 400 euros d’amendes infligées. Tous manquements confondus, le montant moyen des amendes prononcées est de 15 100 €.
Les missions de l’ACNUSA portent sur les onze principaux aéroports français : Bâle-Mulhouse, Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d’Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, Toulouse-Blagnac.
Focus : l’ACNUSA a cloué au sol deux appareils en 2016
En 2016, l’ACNUSA a fait procéder à l’immobilisation de deux avions avant leur décollage, les compagnies qui les exploitaient n’ayant pas réglé les amendes qui leur avaient été infligées. « Il s’agit d’un signal très fort pour la protection des riverains, de leur tranquillité et de leur santé » , estime l’autorité.
La première immobilisation a eu lieu le 11 août 2016. Un appareil de la compagnie polonaise Enter Air a été bloqué au décollage à l’aéroport Paris – Charles-de-Gaulle. L’ACNUSA a saisi le juge de l’exécution et fait procéder à l’immobilisation par un huissier. L’avion a été retenu sur le tarmac jusqu’au paiement de la somme réclamée, soit un peu plus de 5 heures. La compagnie s’était rendue coupable d’un grand nombre de manquements entre 2013 et 2014, avait été condamnée à plusieurs reprises à des amendes s’élevant au total à plus de 1,6 M€.
Le 16 décembre, c’est un avion de la compagnie Turkménistan Airlines qui a été immobilisé pendant 24 heures, le temps que l’ACNUSA obtienne la garantie du paiement de la dette.
Dans les deux cas, les services de l’aviation civile et les autorités aéroportuaires ont accordé toute facilité à l’huissier et aux agents de l’ACNUSA qui se sont rendus sur place.
http://airinfo.org/2017/03/13/nuisances-aeroportuaires-lacnusa-demande-des-mesures-fortes/