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17 juin 2019 1 17 /06 /juin /2019 12:07

 

Extrait d’un article paru sur le site Reporterre :
La méthanisation risque d’accélérer la concentration des fermes

25 janvier 2019 Julie Lallouët-Geffroy (Reporterre) 
 

 

 

 

Produire du gaz à partir de l’agriculture offre une nouvelle source de revenus pour les éleveurs, mais rebat aussi les cartes du monde agricole. Le développement des méthaniseurs bouscule le marché des déchets, intensifie la concurrence entre les cultures, pousse à la concentration des exploitations…

Cet article est le troisième et dernier de l’enquête de Reporterre sur la méthanisation. Retrouver la compilation des trois articles de notre enquête ici……


 « L’équivalent de trois départements seront consacrés à 100 % aux cultures intermédiaires (avoine, orge, etc.) pour alimenter les méthaniseurs »

Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à choisir la méthanisation au détriment de l’élevage. Aux vues des faibles revenus des éleveurs, des problèmes de surendettement, de la surcharge de travail, le choix est bien compréhensible. Mais, si on sort de l’échelle individuelle pour se placer à l’échelle régionale et nationale, les conséquences actuelles et à venir du développement de la méthanisation font froid dans le dos.

Le méthaniseur, aussi appelé digesteur, se nourrit de plusieurs tonnes de substrat par jour. Le substrat se compose généralement d’une bonne part de déjections animales, suivies de cultures intermédiaires (avoine, orge, etc.), de déchets de l’agroalimentaire, de déchets verts (coupes de pelouse, de bords de route) et, parfois, de boues de station d’épuration. C’est le savant mélange de ces ingrédients qui permet de produire un maximum de méthane à réinjecter dans le réseau, mais aussi un digestat qui servira d’engrais…….

 

Il y a encore quelques années, l’agro-industrie payait pour se débarrasser de ses déchets. « Ça allait jusqu’à 90 euros la tonne, rappelle François Trubert, éleveur et producteur de gaz près de Rennes, maintenant, elle les vend jusqu’à 20 euros la tonne. » Dans l’équation économique, ça a de quoi changer la donne et renverser une rentabilité auparavant garantie. « Moi, je refuse d’acheter des déchets, je trouve que ce n’est pas normal. »

Stéphane Bodiguel, éleveur et producteur de gaz, fait lui le choix inverse : « Il n’y a presque rien qui vient de ma ferme. J’achète du fumier à mes voisins, des déchets céréaliers, des résidus d’huile de colza et de tournesol, du marc de pomme et de citron. » Ses dépenses pour acheter des déchets explosent, mais sa production de méthane lui permet de rester bénéficiaire….

 

Pierre Aurousseau est un agronome à la retraite, membre du Collectif scientifique national pour une méthanisation raisonnée (CSNM). Selon lui, si on continue dans cette voie, les méthaniseurs vont se multiplier et de nombreuses terres seront consacrées à la production de cultures destinées au digesteur. « Avec le CSNM, nous avons fait le calcul à partir des projections de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Si les objectifs gouvernementaux sont atteints, l’équivalent de trois départements seront consacrés à 100 % aux cultures intermédiaires (avoine, orge, etc.) pour alimenter les méthaniseurs. Et lorsque nous n’aurons plus assez de place pour les élevages, nous importerons des effluents à l’étranger. C’est ce qu’a fait l’Allemagne en achetant des effluents en Pologne. On marche sur la tête ! » Pierre Aurousseau cite à l’appui de ses propos un documentaire d’Arte diffusé en 2013. Et évoque le risque de concurrence entre les cultures pour nourrir les animaux et celles pour nourrir le digesteur……

 

 

Cette inversion des logiques avait déjà été dénoncée dans le cas emblématique de laferme-usine des Mille Vaches. Grâce aux subventions et au prix garanti pour le rachat du gaz, la méthanisation était devenue l’activité principale, à partir des effluents des bovins, et la production de lait, une activité secondaire.

Et Pierre Aurousseau, agronome retraité va même plus loin : « Avec une méthanisation rentable, il sera possible de tirer les prix de vente des porcs et du lait vers le bas. Ce qui va accélérer la disparition des fermes les plus fragiles et accroître la concentration des autres. » Si une exploitation tire son chiffre d’affaire de la méthanisation, à quoi bon se battre pour des prix élevés sur la partie élevage de l’activité ? À l’inverse, pourquoi pas tirer ces prix vers le bas et prendre de nouvelles parts de marché ? Sauf qu’à ce jeu, ceux qui vivent de l’élevage ne pourront pas s’aligner sur des prix tirés à la baisse, des prix déjà en-dessous du prix de revient. Ils seront poussés, par la force des choses, à mettre la clef sous la porte. De quoi libérer des terres, intéressantes à racheter pour agrandir des exploitations existantes……

 

Comme Bruno Mahé, de l’agence locale de l’énergie des Ardennes, l’expliquait déjà àReporterre en 2014 : « La méthanisation doit s’adapter aux moyens et à la taille de la ferme, et pas le contraire. » Des inquiétudes palpables pas plus tard que fin décembre 2018, lorsque la Confédération paysanne a envahi un site dans la Sarthe où doit s’implanter un méthaniseur. Le syndicat dénonce « les dérives de la méthanisation et d’un modèle industriel qui accaparent des terres, gaspillent des productions qui ne servent plus qu’à alimenter des méthaniseurs et non à nourrir des animaux ». Avant de prêcher pour « une méthanisation qui s’inscrive dans un projet qui rémunère les paysan-ne-s, leur permette de vivre de leur métier, et ce sans avoir besoin d’accaparer des terres. Face à la course en avant des pouvoirs publics, nous demandons que les aides publiques consacrées à la méthanisation soient plafonnées et dégressives ».

 

l'article complet :

https://reporterre.net/La-methanisation-risque-d-accelerer-la-concentration-des-fermes

 

 

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