Paru sur le site de la coordination eau ile de France :
Nos rivières sont-elles toutes polluées ?
Posted on juillet 6, 2015
C’est ce qu’on pourrait conclure si l’on regarde de près l’étude conduite par l’INERIS (institut national de l’environnement industriel et des risques) et rendue publique fin juin 2015. Accéder au dossier de presse et à l’étude.
Effectivement, en 2012, l’INERIS a coordonné ce travail prospectif sur les polluants dits « émergents » dans les eaux des rivières et plans d’eau du territoire national (métropole et DOM). Commandée par le Ministère chargé de l’Écologie (MEDDE), cette étude, dont la maîtrise d’ouvrage a été assurée par l’ONEMA (office national de l’eau et des milieux aquatiques), avait pour objectif de faire un état des lieux de la présence de polluants peu recherchés ou mal connus.
Elle s’inscrit dans le « plan national d’action contre la pollution des milieux aquatiques par les micropolluants », mais est également conforme aux exigences du « Plan National sur les Résidus de Médicaments dans les Eaux ». Plus précisément, son objectif était de : « définir la liste des substances les plus pertinentes à surveiller de manière régulière dans les prochains plans de gestion (20162021) ; faire ressortir les ‘lacunes’ qui nécessiteraient d’améliorer les connaissances sur les effets toxiques et écotoxiques de certaines substances… » Il s’agissait plus précisément d’établir, de mettre à jour la liste des « substances pertinentes à surveiller (SPAS) » dans la réglementation française, de construire la liste des « polluants spécifiques à l’état écologique (PSEE) », mais aussi de repérer les polluants émergents et de consolider la liste de substances visées par le plan ECOPHYTO.
D’emblée, les auteurs prennent des précautions discursives et affirment qu’elle « ne constitue pas non plus le reflet exhaustif de la contamination des milieux aquatiques en France par les micropolluants. » Parce que nous pourrions nous inquiéter des résultats publiés ? Pour autant, le nombre de mesures faites (80 000), le nombre de substances recherchées (182) et le nombre de points de mesure (158) répartis entre cours d’eau et plans d’eau (à la fois dans l’eau et dans les sédiments), représentatifs de notre territoire (agricole, urbain et industriel) le tout à des saisons hydrologiques différentes (printemps, été et automne) nous donnent une idée de la qualité du travail conduit.
Cette liste de 182 substances comprend essentiellement des molécules à usage professionnel ou domestique. On y trouve par exemple : des produits de soin corporel, des plastifiants, des résidus de médicaments, des pesticides et biocides, des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des retardateurs de flamme, des tensioactifs (encore appelé surfactants), des alkylperfluorés, des antioxydants, des additifs d’essence, des organoétains, des molécules industrielles diverses (naphtalène et anilines), etc.
Les résultats sont pour le moins inquiétants :
• Dans l’eau 73 % des substances recherchées (soit 60 molécules) ont été trouvées au moins
une fois dans les cours d’eau et 28 % (soit 23 molécules) au moins une fois dans les plans d’eau.
• Dans les sédiments, 63 % des produits recherchés (soit 85 molécules) ont été quantifiés au moins une fois dans les cours d’eau et 44 % (soit 59 molécules) au moins une fois dans les plans d’eau.
• Dans l’eau, 34 substances peuvent être qualifiées « d’omniprésentes » puisque trouvées
dans tous les bassins au moins une fois. Une grande partie des catégories d’usage est
représentée : 1 additif d’essence, 1 molécule industrielle type naphtalène, 1 HAP, 4 produits de soins corporels, 12 pesticides et biocides, 9 résidus de médicaments, 5 plastifiants et 1 alkylperfluoré.
• Dans les sédiments, plus de 40 produits qualifiés « d’omniprésents » sont retrouvés au
moins une fois. La quasi totalité des catégories d’usage est représentée : 2 retardateurs de flamme, 2 métabolites d’additifs d’essence, 3 molécules industrielles (naphtalène et organo étains), 3 résidus de médicaments, 18 HAP, 7 pesticides, 2 plastifiants, 1 antioxydant, 5 surfactants.
Parmi les molécules omniprésentes dans l’eau (entre 99 et 100 %), on trouve 3 composés de parabène (soins corporels) et un plastifiant à base de phtalates.
• Les 3 parabènes : l’éthylparabène (100 %), le propylparabène et le méthylparabène
(99,7 %). Du fait de leur activité effective antibactérienne et antimycosique, ces produits se retrouvent dans plus de 80 % des produits d’hygiène et de toilette, dont des shampooings, des crèmes hydratantes, mousses à raser et gels nettoyants. Le problème, c’est que les parabènes sont considérés comme des perturbateurs endocriniens !
• Le diisobutyl phtalate est lui trouvé dans 99,7 % des cas. Il s’agit d’un additif utilisé pour
accroître la flexibilité et la souplesse des plastiques (plastifiant), souvent en combinaison avec d’autres phtalates. Il est couramment utilisé dans les plastiques en nitrocellulose, les vernis à ongles ou encore la laque.
Si l’on en croit l’AFP, « d’ici fin 2015, le gouvernement devrait par arrêté fournir une nouvelle liste actualisée des substances prioritaires au sens des directives européennes. Une demi douzaine de nouvelles molécules issues des travaux de l’INERIS devraient y être adjointes. » Quant à l’INERIS, il pense qu’il faudrait « dans un second temps, étudier les effets de ces molécules sur la faune et la flore aquatique ».
Si la détection de ces produits dans l’eau de nos rivières et plans d’eau est certainement une avancée pour la connaissance de notre environnement, s’il faut certainement en mesurer l’impact, les résultats publiés sont inquiétants. Les industriels de la cosmétique, de la plasturgie, du médicament, etc. feraient bien de revoir la composition de leurs produits !
http://eau-iledefrance.fr/doc/nos-rivieres-sont%C2%AD-elles-toutes-polluees/