Comment sacrifier la vie des autres
par l’accumulation de toutes les nuisances dans un même secteur
Qui se préoccupe de la santé
des populations de Claye-Souilly et ses alentours,
à cette question nous n’avons pas de réponse.
Quand une station de contrôle de la qualité de l’air serait établie
près de Claye-Souilly,
à cette question nous n’avons pas de réponse non plus.
Article paru sur le site Vivagora
Injustice environnementale ou comment sacrifier la vie des autres ?
vendredi 25 janvier 2008
par Dorothée Benoit-Browaeys
"Nous devons construire une éthique environnementale selon les mêmes principes que la bioéthique : autonomie, protection du plus faible (bien-faisance) et justice". Ces mots du sénateur Huriet, qui a porté les cadres juridiques de l’expérimentation clinique en 1988, ont clôturé la Conférence régionale de santé Ile-de France, le 28 novembre 2007.
Cette priorité donnée à l’équité environnementale (un milieu de vie sain pour tous) a été reconnue tout au long des débats de cette Conférence consacrée à l’"Air extérieur et santé" (1) réunissant acteurs et experts régionaux : élus (Conseil Régional, Ville de Paris), institutions publiques et privées (DRASS, ORS, Airparif, STIF, DRIRE et STIIIC, CIRE-InVS), associations d’usagers d’environnement et de santé (AFPRAL- allergies, Usagers des Transports et Ile de France Environnement).
En effet, les seuils européens de pollutions sont largement dépassés dans certains secteurs où se cumulent les charges en ozone, oxydes d’azote, microparticules (trafic routier intense, avions au décollage...) des émanations industrielles ou d’incinérateurs (dioxines...) et l’impact des ondes électromagnétiques et du bruit. L’inégalité d’exposition aux risques accroît l’impact pour les populations déjà vulnérables tant du point vue sanitaire que social : si la réglementation européenne et française (loi LAURE) encadrent précisément les seuils de pollution par des valeurs limites que les pouvoirs publics surveillent, en revanche, il s’agit de valeurs moyennes ne prenant pas en compte les surexpositions localisées (proximité de sources polluantes et allergènes). La zone de Champlan, située à 15 kms au sud de Paris près de Massy-Palaiseau-Orly, apparaît comme un de ces "maillons faibles" où Christian Leclerc, responsable du Comité de défense de Champlan contre les nuisances collectives et pour la protection de l’environnement, demande à connaître l’effet des cumuls de polluants et leur possible potentialisation. Question sans réponse tant le travail sur les synergies des produits polluants comme sur les cartes associant pollutions et types de maladies manque...
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Il faut le volontarisme de chercheurs comme Annie Sasco, épidémiologiste pour la prévention des cancers (Inserm, Bordeaux 2) et André Cicolella (Ineris) pour monter un projet comme CIRCE (Cancer Inégalités régionales cantonales et Environnement). Comme John Snow, qui en 1854 a pu mettre en relation l’épidémie de choléra à Londres et les conduites d’eau contaminées, il s’agit de s’appuyer sur les systèmes d’information géographique en environnement (SIG) pour voir si certains cancers (sein, prostate, poumon, voies aérodigestives supérieures ou VADS) voient leur incidence accrue dans des zones polluées. Ce projet qui concerne quatre régions françaises (Ile-de-France, Nord-Pas de Calais, Rhône-Alpes et Picardie) répond à l’une des recommandations du PNSE qui préconise de "spatialiser les données". Dans cet esprit, Annie Sasco met en place actuellement un Réseau de Centres d’oncologie environnementale, notamment avec des laboratoires au Brésil, au Maroc, en Inde...
Des acteurs locaux s’impliquent aussi de plus en plus. Le 12 octobre dernier, un groupe de femmes du Nord-Pas de Calais a lancé l’Appel de Béthune "pour demander des recherches sur les causes environnementales du cancer" pourquoi le taux de cancer du sein est-il dans la région Nord-pas de calais, 32% plus élevé que la moyenne nationale ? interroge Michèle Zielinski, Présidente de Carole Entraide Cancer.
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Les médecins qui sont parfaitement placés pour saisir les évolutions des incidences de pathologies, ont un devoir d’alerte. Que font les gynécologues qui voient se multiplier les pubertés précoces chez des filles de moins de 8 ans ou l’infertilité des couples ? Que disent les pneumologues qui voient exploser l’asthme et les dépenses en anti-histaminiques ? ………Dans les grandes villes européennes, 60.000 morts prématurées sont causées chaque année par la pollution de l’air". Enfin, on apprend que "la production de substances toxiques a augmenté de 25% entre 1995 et 2005, et celle des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR), de 22%".
Le concept de "justice environnementale", fortement pointé par Yorghos Remvikos, vice-président de VivAgora lors du Grenelle de l’environnement, prend racine en France plus de 30 ans après les Etats-Unis où les inégalités d’exposition ont été soulignées dès 1972 par Freeman. L’expert en urbanisme et politiques régionale, Lucie Laurian, vient d’ailleurs de publier une enquête intitulée "L’injustice environnementale en France" (2) où ont été étudiées 36 565 villes de la France métropolitaine. …… "Progresser dans cette justice nécessite d’améliorer les processus démocratiques directs et participatifs et l’implication du public aux décisions environnementales".
(1) La pollution atmosphérique est tenue pour responsable de 3 000 morts prématurées par an en France (selon l’étude PSAS-9 réalisée par l’Institut de veille sanitaire - INVS- dans 9 villes françaises).
(2) dans le numéro de janvier 2008 du Journal of Environmental Planning and Management
Post Scriptum :
Dorothée Benoit Browaeys est déléguée générale de VivAgora
Pour plus amples informations consultez :
http://www.vivagora.org/spip.php?article210