Paru sur le site « La Marne » :
Pollution à la décharge de Claye-Souilly : les associations lancent l'alerte
Des mâchefers, résidus d'incinération d'ordures, sont entreposés à la décharge Veolia de Claye-Souilly. Ils polluent l'air et l'eau. Quel risque pour la santé des habitants ?
Des « mâchefers », résidus poussiéreux d’incinération d’ordures, sont stockés à l’air libre dans la décharge Veolia de Claye-Souilly. (©DR)
Par Louis Gohin Publié le 6 Juil 21 à 6:02
Sommes-nous pollués sans le savoir ? Les associations écologistes s’alarment des déchets « mâchefers« , après la diffusion d’un documentaire sur France 5 en avril 2021.
Le matériau « mâchefers » est entassé dans la décharge Veolia de Claye-Souilly. Il sert aussi à aménager des routes comme la RD212, récemment élargie.
Déchets : quels risques, quels contrôles à Claye-Souilly ?
Qu’est-ce qui pose problème ?
Les mâchefers, c’est ce qu’il reste comme résidus quand les ordures ménagères ont été brûlées dans un incinérateur. Ils sont toxiques.
Des centaines de tonnes de mâchefers sortent chaque année d’incinérateurs comme celui d’Ivry-sur-Seine. Certains sont entreposés à Claye-Souilly.
Le collectif 3R avertit : « Tant que chacun ne réduit pas ses déchets jetés au quotidien, ces milliers de tonnes de mâchefers continueront à s’accumuler. »
En attendant, comment sont gérés et contrôlés ces déchets ?
Pas de garantie pour la santé
Selon plusieurs associations, il n’y a pas de garantie pour la santé des habitants. À Claye-Souilly par exemple, ces déchets poussiéreux sont stockés à l’air libre.
Le collectif écologiste 3R et l’association seine-et-marnaise Adenca ont notamment alerté le préfet.
Ils veulent savoir si le stockage de mâchefers à l’air libre est dangereux pour les habitants et pour l’environnement.
Le conseiller municipal de Charny Edouard Proffit avait déjà signalé en 2018 des poussières et des odeurs provenant de ces déchets dans la décharge de Claye-Souilly.
Il avait demandé à Veolia quels étaient les risques pour les habitants. L’entreprise avait promis de faire une étude pour limiter les poussières toxiques.
Où en est cette étude ? Interrogée par La Marne, Veolia répond qu’elle a recouvert ses machines de bâches et de capots pour éviter la dispersion de poussières.
La décharge déclare aussi qu’elle pulvérise des gouttelettes d’eau sur les matériaux pour rabattre la poussière sur les tas de déchets.
Pas assez de contrôles par l’État ?
Il n’empêche : d’énormes tas de mâchefers sont toujours exposés à l’air libre.
Est-ce bien légal d’avoir des tas de déchets toxiques à l’air libre ? Interrogée par La Marne, la préfecture confirme que « l’entreposage des mâchefers à ciel ouvert » est autorisé à Claye-Souilly.
Mais cela ne satisfait pas les associations. Adenca a demandé aux services de l’État s’ils contrôlaient comment les mâchefers étaient stockés et utilisés dans la décharge Veolia de Claye-Souilly.
Interrogée à ce sujet, la préfecture répond qu’elle fait des inspections dans la décharge au moins tous les ans. Mais elle ne dit pas si elle contrôle spécifiquement les mâchefers.
Un danger pour l'eau potable
Une partie des mâchefers sont utilisés pour construire des routes. Or, l'eau de pluie entraîne des matières toxiques des mâchefers dans le sol.
Les associations rappellent que cela pollue les nappes phréatiques. Et donc, l'eau potable des habitants.
Et justement, le documentaire "Sur le front" de France 5 diffusé le 25 avril 2021 affirme que des mâchefers utilisés sur le chantier de la RD212 sont 5 fois plus toxiques que la limite autorisée.
Nos collègues journalistes sont allés sur le chantier d'élargissement de la RD212, sans nommer cette route. Ils ont fait analyser un échantillon de mâchefers utilisés pour les travaux.
Les résidus analysés sont cinq fois plus toxiques que la limite autorisée.
Interrogé à ce sujet, Veolia répond que la méthode de prélèvement utilisée par les journalistes ne correspondait pas à la réglementation.
L'entreprise ajoute qu'elle fait faire elle-même des analyses tous les mois. Elle affirme que ses mâchefers ne sont pas plus toxiques que ce qui est autorisé.
De son côté, le conseil départemental affirme que tout est conforme sur ses chantiers : "Toutes les analyses pour chaque lot de mâchefer réceptionné sont conformes à la réglementation", répond l'institution.
Le Département se justifie ainsi : "Les cahiers des charges du Département de Seine-et-Marne imposaient l'utilisation de ces matériaux sur la RD212." Mais le conseil départemental ne dit pas en quoi il était obligé d'utiliser des mâchefers.
Il affirme en revanche avoir fait faire des analyses "par principe de précaution" après la diffusion du documentaire, par les bureaux de contrôle Socor et Eurofilms et par le Cerema, un organisme public. Les résultats, selon le Département, sont conformes à la réglementation.
Ce n'est pas la première fois que la collectivité utilise les mâchefers pour faire des routes. Elle l'a aussi fait par exemple entre 2011 et 2012 pour aménager l'échangeur entre la N2 et la D404 à Saint-Mard.
Malheureusement, le risque pour l'environnement et pour la santé est bien réel. Le collectif écologiste 3R a demandé des comptes à Veolia et à la préfecture, sans obtenir de réponse.
Ce collectif déclare : "Des pays où les pluies sont très importantes interdisent l'utilisation des mâchefers dans les routes, car ils savent que cela rend toxique l'eau potable."
En France c'est autorisé, sauf si les mâchefers sont trop toxiques.
Espérons qu'il ne pleuve pas trop fort en Seine-et-Marne. Sinon les nappes phréatiques continueront à être polluées, tant qu'on utilisera des mâchefers dans les routes.