Extrait de l’article paru le 6/4/2010 sur le site « Rue 89 »
Les impostures du Grenelle de l'environnement
Un collectif de spécialistes du droit de l'environnement s'est penché sur les avancées législatives depuis le lancement du Grenelle. Le constat est sans pitié : presque aucune des promesses de campagne du candidat Sarkozy n'a été tenue. Inventaire.
Trois mois après l'élection présidentielle de 2007 sont mises en place deux des propositions lancées par les écologistes et par la plupart des associations de protection de l'environnement :
- Un superministère de l'Environnement à compétence transversale,
- Un processus de discussions autour des enjeux environnementaux, dénommé « Grenelle de l'environnement ».
Le premier point n'a été qu'un coup politique : dans le nouveau « MEEDeM » [ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer, ndlr], le ministère chargé de l'environnement est devenu un insignifiant secrétariat d'Etat dont les pouvoirs et les moyens sont équivalents à ceux d'un petit département français.
L'avis de décès du ministère de l'Environnement date du décret du 27 février 2009 qui supprime les seules structures lisibles au plan local en matière d'environnement que sont les directions régionales de l'environnement (Diren) et les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire).
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Une loi Grenelle I qui pose les grands principes et fait consensus
Il aura fallu deux lois pour traduire le Grenelle en droit. La première dite loi Grenelle I, en droit, est une sorte de catalogue de bonnes intentions qui ne change strictement rien sur le fond, ce qu'on appelle une « loi cadre ». Pas étonnant dès lors qu'elle n'ait rencontré pratiquement aucune opposition lors de son passage au Parlement.
Mais une lecture plus attentive révèle quelques surprises que les juristes sauront apprécier. Ainsi pour les « trames vertes et bleues » dont l'objectif était de créer des corridors écologiques, donc des zones protégées avec quelques obligations caractérisées, les modalités de prise en compte « seront précisées à l'issue d'un audit qui aboutira avant fin 2009 », quel volontarisme !
En revanche, la suppression de l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) n'a, elle, pas attendu.
De nombreuses régressions au programme de Grenelle II
Dans la loi Grenelle II, qui est débattue au Parlement avec une procédure d'urgence (donc à démocratie limitée), les évolutions et les nombreux amendements réduisent peu à peu le droit en vigueur. Qu'on en juge :
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- L'article 28 met en place, en l'absence de tout débat public, un régime juridique sur mesure pour le stockage souterrain de CO2, qui permettra aux exploitants privés de générer de beaux bénéfices, en transférant ensuite la surveillance, la prévention des risques et l'intervention, en cas d'accident, au contribuable et aux générations futures, au moment même où l'Allemagne fait machine arrière sur son projet de loi.
- L'article 45 sur les trames vertes et bleues et les schéma régionaux de cohérence écologique : si l'idée est pertinente, car elle devrait conduire à préserver des espaces fragiles et à assurer une continuité écologique, sa portée est tout à fait limitée car soit l'outil reprendra des mesures déjà existantes, soit il ne constituera qu'un inventaire imposant aux collectivités un rapport de « prise en compte ». La diminution de la biodiversité méritait mieux.
Pendant ce temps, on a détricoté le droit de l'environnement
Une série de décisions qui ont été prises montre en réalité la faiblesse des préoccupations environnementales et le manque d'ambition face au poids des lobbies :
- Réforme des nomenclatures : par décret, plusieurs réformes ont assoupli les contrôles sur les installations sources de nuisances et de pollution. C'est le cas avec la nomenclature eau dès 2006. De plus, une loi du 17 février 2009 autorise le gouvernement à adopter par ordonnance (donc au mépris de la démocratie parlementaire) un régime d'autorisation simplifiée des Installations sources de pollutions et de nuisances (ICPE). Exit les études d'impact et enquêtes publiques, les contrôles seront allégés pour près de 30 % d'installations jusqu'alors soumises à autorisation. Bien que condamné par la justice européenne, l'Etat refuse de se donner les moyens de ses missions régaliennes.
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- Déchets : le choix de l'incinération comme mode « d'élimination » des déchets marque bien des orientations à contre-sens d'une logique environnementale. Qu'en est-il d'une réelle politique de réduction à la source des quantités de déchets produits ? Rien.
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- Associations : avec la loi chasse du 31 décembre 2008, le législateur permet aux organismes de chasse d'obtenir l'agrément associations de protection de l'environnement, pourquoi pas demain les fédérations de profession agricole ?
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Par Xavier Braud, Simon Charbonneau, Chantal Cans, Bernard Drobenko, Alexandre Faro, Antoine Gatet, Marie-Laure Lambert-Habib, Michel Prieur, Raphaël Romi, Jean Untermaier.
► Mis à jour le 6/04. Ajout de la signature de Chantal Cans et de Jean Untermaier.
Article complet :http://www.rue89.com/planete89/2010/04/06/grenelle-de-lenvironnement-apres-les-postures-le-temps-des-impostures-146163