Notre eau : notre or
L’arrêté du 18 novembre 20111 se propose d’encadrer le « recyclage en technique routière des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux ». France Nature Environnement a suivi de près l’élaboration du texte qui prétend répondre à un engagement du Grenelle. Le principal souci de la nouvelle réglementation (applicable à partir de juillet 20122) est en réalité de ne pas pénaliser la filière thermique en définissant des contraintes réglementaires facilitant, au nom de prétendus objectifs vertueux de « valorisation », l’élimination des cendres lourdes à moindre coût pour les collectivités et les opérateurs économiques - en éludant la question du coût environnemental et sanitaire effectif de cette pratique. Ce qui n’empêche pas les acteurs de la filière travaux publics de pousser le Ministère à davantage de laxisme encore, réclamant pour les mâchefers la possibilité d’acquérir le statut de simples produits. Une telle surenchère en matière de dumping environnemental est particulièrement inquiétante dans un contexte où les affaires relatives à des usages frauduleux de mâchefers se multiplient.
Après 17 ans d’attente, unetrahison des engagements du Grenelle et un texte-alibi avant tout protecteur des intérêts de l’incinération.
La France de l’incinération (ordures ménagères et déchets industriels banals) produit 3 millions de tonnes de mâchefers par an, dont plus de 2 millions de tonnes sont « valorisées », essentiellement en sous-couches routières. Or, les mâchefers d’incinération d’ordures ménagères (MIOM) rebaptisés « mâchefers d’incinération de déchets non dangereux » (MIDND) concentrent une bonne part des polluants contenus dans les déchets incinérés, auxquels s’ajoutent en quantité variable des substances dangereuses (dioxines, HAP) engendrées par le process d’incinération.
L’utilisation des mâchefers en technique routière se fait depuis 1994 en référence aux recommandations d’une simple circulaire, qui se donnait elle-même pour provisoire et insuffisante3, mais qui 17 ans plus tard reste le seul document de référence pour l’administration et les acteurs de la filière…….
Conclusion
A vouloir favoriser pour des raisons économiques la dispersion des mâchefers dans l’environnement sans réel souci de prévenir et de contrôler l’impact sur l’environnement, le Ministère prend le risque d’accroître la défiance du public à l’encontre de l’incinération.
Les travaux du Grenelle sollicitaient le principe de précaution pour justifier l’exigence d’une bonne connaissance des impacts de la « valorisation » des mâchefers en préalable à l’adoption d’une nouvelle réglementation. Ce principe a été méconnu, tout comme l’obligation d’éliminer les déchets dans des conditions propres à éviter de porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement9. Tout chantier utilisant des mâchefers pouvant potentiellement être considéré comme une décharge sauvage, les contentieux autour des mâchefers pourraient se multiplier.
2 Date à laquelle la Circulaire 1944 devrait être abrogée.
3 L’ADEME et le BRGM (« Mâchefers d’incinération des ordures ménagères, État de l’art et perspectives, 2008) précisent : « Il nefait aucun doute aujourd’hui que les résultats du test de lixiviation préconisé par la circulaire n’apportent, malgré sa pertinence, qu’une réponse partielle quant aux impacts environnementaux potentiels lors d’un usage en technique routière. » (p.10)
9 Code de l’environnement, article L541-2