L'Enfer des déchets
n'est pas près de s'arrêter
pour les populations du Nord-Ouest 77
LE MONDE | 22.03.2013 à 11h22 • Mis à jour le 23.03.2013 à 12h11 Par Gilles van Kote
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L'équivalent de cinq à sept mille piscines olympiques : c'est le volume de terres et déblais que les engins du futur chantier du Grand Paris Express, le supermétro francilien dont la construction a été confirmée par le gouvernement le 6 mars, devraient extraire des entrailles de l'Ile-de-France entre 2015 et 2030. Soit de 15 à 20 millions de mètres cubes de déchets inertes (qui ne subissent pas de modifications chimiques, physiques ou biologiques avec le temps) ou de terres polluées qui viendront s'ajouter à ceux que produit déjà le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
L'Ile-de-France risque de connaître une pénurie de solutions pour se débarrasser de ce type de déchets, qui peuvent être recyclés, réemployés ou enfouis dans des installations de stockage de déchets inertes (ISDI) ou dans des carrières disposant d'une autorisation pour cela. "Si on n'ouvre pas de nouvelles ISDI d'ici là, celles existant aujourd'hui seront remplies en 2020", rappelle Anne-Sophie de Kerangal, responsable de la gestion des déchets au conseil régional d'Ile-de-France.
Dans la région parisienne, le secteur du BTP produit 32 millions de tonnes de déchets par an. Les volumes extraits pour construire les 200 km de voies – majoritairement souterraines – et les 72 gares du Grand Paris Express d'ici à 2030 devraient peser de 30 à 40 millions de tonnes, selon la Société du Grand Paris (SGP). Un total sous-évalué, selon l'association Ile-de-France Environnement, qui le situe plutôt entre 50 et 60 millions de tonnes.
Réglementairement, la responsabilité de la gestion des déblais revient aux entreprises sous-traitantes du chantier. Mais, vu la dimension du projet, le maître d'ouvrage qu'est la SGP ne peut ignorer le sujet. Le chantier de l'A86, dans l'ouest de l'Ile-de-France, a constitué un fâcheux précédent : faute de planification satisfaisante, ses déblais ont fini sous forme de merlons (des levées de terres et de gravats) qui hérissent aujourd'hui la plaine de Versailles.
"On les appelle des merlons fourrés : des cochonneries à l'intérieur et de la bonneterre par-dessus, se désole Michel Riottot, le président d'Ile-de-France Environnement. D'après nos calculs, les déblais du Grand Paris Express représenteraient l'équivalent de 200 km de merlons."
Ce n'est pas l'option qu'a retenue la SGP. Son schéma directeur d'évacuation des déblais, en cours de finalisation, privilégie le traitement des terres polluées sur site, la valorisation et la réutilisation des déblais sur d'autres projets d'aménagement, ainsi que le transport par voie fluviale des déchets inertes vers des ISDI ou des carrières qui pourront éventuellement être situées hors d'Ile-de-France.
"LE GRAND PARIS EXPRESSS DOIT PERMETTRE DE DÉVELOPPER LE RECYCLAGE DES DÉCHETS DU BTP"
"Notre objectif est d'anticiper au maximum cette question souvent négligée afin de minimiser les nuisances pour les riverains et d'être en mesure de travailler en amont avec les élus sur les chemins d'évacuation, affirme Florence Castel, directrice de l'ingénierie environnementale à la SGP. Nous avons lancé dès 2010 un inventaire des installations de traitement et de stockage susceptibles d'accueillir nos déblais en Ile-de-France, mais aussi à ses frontières."
Les 5 à 6 millions de mètres cubes de déblais que devrait produire à partir de 2015 la construction du tronçon du Grand Paris Express reliant les gares de Pont-de-Sèvres (Hauts-de-Seine) et de Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis) seront ainsi en partie évacués par deux plates-formes de transbordement fluvial situées sur la Seine, à Sèvres et à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Ces déblais pourraient prendre la direction de carrières situées dans les Yvelines et en Seine-Maritime, mais aussi servir de remblais dans le cadre de l'éventuelle réalisation d'un lac-réservoir destiné à protéger l'agglomération parisienne des crues, à La Bassée (Seine-et-Marne). De 700 000 à 800 000 m3 de remblais seraient nécessaires pour ce projet, qui pourrait être réalisé avant la fin de la décennie.
Selon Florence Castel, l'anticipation devrait permettre d'optimiser les coûts de gestion des déblais, mais aussi de répondre au souci de la région d'assurer un rééquilibrage territorial. La Seine-et-Marne absorbe en effet aujourd'hui 65 % des déchets du BTP en Ile-de-France et accueille la moitié des vingt ISDI de la région. Une situation qui a poussé une dizaine d'élus du département à dénoncer, début mars, le manque de solidarité des autres collectivités. "Le Grand Paris Expresss doit être un levier de ce rééquilibrage avec un traitement le plus local possible, tout comme il doit permettre de développer le recyclage des déchets du BTP dans la région", assure Geneviève Wortham, conseillère régionale (PS) de Seine-et-Marne.
L'Autorité environnementale rappelait en octobre 2012 que le traitement des déblais constituera "l'un des impacts majeurs" du Grand Paris Express.
Gilles van Kote