Paru dans le Bulletin Agora , bulletin de Liaison de Val d’Oise Environnement d’Octobre 2010 :
Le château et la décharge
(Feuilleton) déchets
Epinay-Champlâtreux est une petite commune rurale de 355 ha
et de moins de 70 habitants située à l’est du Val-d’Oise.
CETTE COMMUNE est particulière en ce que 354 ha appartiennent à la seule famille de Noailles, propriétaire du château de Champlâtreux. L’aîné de la famille, le duc de Noailles, est maire depuis toujours ou presque.
Il y a plus de trente ans, une carrière d’extraction de sablon a été ouverte, suivie d’un centre d’enfouissement technique, autrement dit une décharge. Cette exploitation est arrivée à son terme et le site presque entièrement réaménagé à ce jour. Le parc naturel régional Oise-Pays de France a été créé en 2004.
Epinay-Champlâtreux est la commune d’entrée dans le parc sur l’ex-nationale 16 en direction
de Chantilly.
Fin 2004, la commune modifie ses documents d’urbanisme afin de permettre la création en plein champ d’une nouvelle exploitation d’extraction de sablon, tri et enfouissement de déchets sur 40 ha dont l’exploitant serait la société Terralia, émanation du groupe Paprec. C’est assez curieux pour une commune qui vient d’adhérer à la charte du parc et pour un projet situé dans un espace agricole qualifié dans le PNR comme zone d’intérêt et de sensibilité paysagère. Malgré nombre d’avis négatifs émis par les communes, le PNR, des élus, des associations, le golf de Mont-Griffon situé à proximité, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable sans aucune réserve ni recommandation. Le 29 janvier 2005, la commune approuvait son nouveau plan d’occupation des sols.
À Luzarches, commune limitrophe, l’Association luzarchoise pour la sauvegarde de l’environnement (ALSE), conjointement avec Val-d’Oise Environnement, a alors demandé le 26 mars 2005 au tribunal administratif d’annuler ce POS. Les Amis de la Terre du Val d’Ysieux en ont fait autant. Le golf (le 9 trous), qui aura vue directe sur la décharge, également, mais il se désistera en cours de route. Curieux ! Le PNR qui était opposé
au projet a omis de déposer une requête du même ordre, mais a pu se porter intervenant volontaire à l’appui des associations par la suite ; la communauté de communes Coeur du Pays de France en a fait autant.
En conclusion, sans la vigilance des associations, le projet était définitivement entériné.
Le 29 juin 2006, le tribunal annule la modification du POS. Le premier motif est que le maire avait intérêt dans l’affaire.
La commune fait appel puis se désiste de son appel,probablement persuadée qu’elle perdrait encore. Pas vraiment !
Car M. de Noailles démissionne ; est élue maire la seule habitante de la commune qui demeure sur l’hectare n’appartenant pas aux Noailles. Personne n’est dupe ! Un prétendu nouveau projet est élaboré(consistant à surélever un peu les merlons cachant la chose et à diminuer un peu la hauteur du bâtiment de tri). Et on est reparti pour un tour… Enquête publique,rapport du commissaire enquêteur – toujours favorable et précisant qu’il n’émet aucune remarque ou recommandation malgré les mêmes objections que précédemment. Modification du POS entérinée par la commune.
Le 27 novembre 2009, le même tribunal annule cette modification aux motifs que le projet est incompatible avec la charte du PNR et qu’aucune contrainte technique ne le justifie.
Bien sûr, Paprec n’avait pas attendu que tout cela se décante pour déposer sa demande d’exploitation que la préfecture instruit et fait passer en commission (dont nous faisons partie), deux jours avant l’audience du tribunal, ce avec avis favorable de l’administration !
Conclusion de ce nouvel épisode : la commune a fait appel du jugement le 27 janvier 2010.
Moralité. Les services de l’État sont ravis qu’une commune sollicite la création d’une décharge, même si elle n’est pas nécessaire au niveau régional comme cela a été confirmé par le schéma régional de gestion des déchets, et fait tout pour que le projet aboutisse malgré l’opposition des populations, de certains élus et de certaines collectivités. Vive la démocratie…
autant que faire se peut ! Qu’importe si on cause des préjudices aux 10 000 habitants de la communauté de communes Coeur du Pays de France, si la famille de Noailles peut bénéficier de royalties sur chaque mètre cube de sablon extrait et chaque tonne de déchets enfouis et la commune (ce qui n’est guère différent en l’espèce) de la taxe professionnelle générée par l’exploitation.
Suite au prochain numéro.
PHILIPPE BEC, ASSOCIATION LUZARCHOISE
POUR LA SAUVEGARDE DE L’ENVIRONNEMENT
http://ioplace.pagesperso-orange.fr/agora%2023%20oct%2010_BD.pdf