Paru sur Ouest France :
Bretagne. « Le dossier de méthanisation de Trémorel pourrait être un cas d’école »
Une visioconférence a réuni, mardi 20 avril 2021, une soixantaine d’opposants à des projets de méthanisation. Emmanuelle Bon-Julien, avocate spécialisée en droit public et droit immobilier à Rennes, est intervenue sur le cas de Trémorel (Côtes-d’Armor).
Ouest-FranceIsabelle SIGOURA.Publié le 20/04/2021 à 21h13
Emmanuelle Bon-Julien, avocate spécialisée en droit public et droit immobilier à Rennes, représente l’Association de défense de la Vallée du Meu à Trémorel (Côtes-d’Armor).
La suspension des travaux de construction de l’usine de méthanisation en projet sur le site a été décidée pour la troisième fois par le tribunal administratif. Elle est intervenue sur le dossier lors de la visioconférence. Elle a répondu à nos questions.
Que remet en cause la justice à travers la dernière décision de suspension des travaux de l’usine de méthanisation de Trémorel ?
La décision indique que les dossiers présentés par les porteurs ne présentent pas de garanties suffisantes sur l’absence de risques de pollution. Dans cette affaire, cela revient dans deux des trois décisions de suspension des travaux déjà prononcées.
Dans sa dernière décision (NDLR : 12 avril 2021), le juge administratif en référé a indiqué que les services de la préfecture n’avaient pas été suffisamment exigeants dans leur appréhension du risque de pollution.
Vous pointez du doigt une carence dans l’instruction de ce dossier ?
Oui car s’il est normal que les porteurs déposent des modificatifs, travaillent avec leur architecte, il est bien du ressort de l’administration de vérifier que les garanties nécessaires soient prises. Et cela n’a pas été fait ni même expliqué. Lors de la dernière audience, j’ai d’ailleurs plaidé le fait que la préfecture - ou l’un de ses représentants -aurait pu expliquer comment l’instruction était faite. Mais ils étaient absents.
Qu’attendez-vous donc de la préfecture à présent ?
On attend un contrôle strict. Et une prise de conscience que ce projet est une aberration. Cela semble frapper au coin du bon sens qu’une usine de méthanisation, située à proximité d’une ferme bio dont elle est séparée par un cours d’eau desservant en eaux potables le bassin rennais, expose à des risques d’accidents dus à l’erreur humaine ou à un problème de vannes comme c’est arrivé à Châteaulin dont la configuration est ressemblante à celle du projet de Trémorel.
Après cette succession de trois décisions freinant le redémarrage des travaux, quelles solutions pourraient être trouvées ?
La seule porte de sortie sera celle proposée par la préfecture, respectant les droits de chacun. On peut raisonnablement penser qu’il y a eu un problème dans l’instruction alors c’est à elle de trouver la solution. Il ne faut pas oublier qu’un permis a été délivré aux agriculteurs. Ce dossier n’est pas manichéen. La préfecture doit réfléchir dans quelles mesures ce projet pourrait être réalisé ailleurs. En sachant que les agriculteurs ont déjà dû engager des frais pour le démarrage du projet.
Quelles conclusions pourraient être tirées de ce dossier ?
Cela pourrait être un cas d’école. Si on estime à terme qu’on n’installe pas ce type d’usine à côté d’une zone sensible, cela pourrait servir d’exemple à d’autres juridictions. Et un cas d’école soulignant qu’on n’est plus dans la perspective du respect du plan national de méthanisation et ce quel que soit le territoire sur lequel le projet a vocation à s’implanter.