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23 décembre 2019 1 23 /12 /décembre /2019 16:24
Paru dans le journal Le Point :

 

 

Séisme en Ardèche : l'hypothèse du rôle de la carrière reste plausible

 

 

La carrière Lafarge, située près de la commune du Teil, n'est pas totalement « dédouanée » dans le déclenchement du séisme du 11 novembre.

 Par Caroline Tourbe

Modifié le 18/12/2019 à 13:33 - Publié le 18/12/2019 à 12:39 | Le Point.fr

Séisme en Ardèche : l'hypothèse du rôle de la carrière reste plausible

Dégâts causés par le seisme dans le quartier de Mélasse.Olivier Peverelli , maire du Teil.

© Ian HANNING/REA / Ian HANNING/REA

 

Faut-il balayer le lien entre l'extraction de la roche dans la carrière Lafarge et le déclenchement du séisme de magnitude 5 survenu le 11 novembre dernier ? Pas du tout ! Même si c'est ce que l'on a commencé à lire un peu dans la presse à la suite d'un communiqué de la préfecture de l'Ardèche publié le 17 décembre. Elle y indique à propos dudit séisme que son « origine est donc naturelle et causée par la pression entre les plaques », et d'ajouter : « Au final, le rôle que la carrière du Teil aurait pu avoir sur ce séisme apparaît donc négligeable. »

 

Hypothèse toujours « plausible »

Circulez, il n'y aurait donc plus rien à voir ? L'affaire est loin d'être aussi simple. Dès le début de son communiqué, la préfecture explique se baser sur le rapport rendu par la douzaine d'experts mandatée par le CNRS juste après le séisme pour en rechercher les causes. Or, à la lecture de ce document d'une quarantaine de pages que Le Point a pu consulter, il apparaît noir sur blanc que l'hypothèse d'un déclenchement du tremblement de terre en lien avec l'extraction répétée de la roche de la carrière reste tout à fait « plausible ».

Quant au terme « négligeable », dont use la préfecture, s'il est bien cité dans le rapport, c'est au détour de cette phrase : « On ne peut pas totalement exclure que les processus invoqués n'aient eu qu'une influence négligeable sur le séisme. » Autrement dit, c'est la préfecture qui a fait le choix de trancher. Pour elle, le rôle de la carrière est « négligeable », point final. Ce n'est pas exactement l'avis des experts qui, eux, explorent toujours très sérieusement la piste d'un séisme « déclenché » par la carrière.

Un séisme « déclenché »

Au contraire d'un séisme « induit », soit un événement qui ne se serait jamais produit sans l'action de l'homme, un séisme « déclenché » est un séisme initié par l'activité humaine (ici, l'extraction de roche dans la carrière), mais dont la magnitude finale est contrôlée par des forces tectoniques naturelles. Un peu comme si l'on avait appuyé sur un « bouton ON » et que les forces liées à l'exploitation de la carrière s'étaient ajoutées aux forces naturelles déjà bien présentes. Sachant que ces dernières pèsent le plus dans la violence du séisme.

 

 

Séisme en Ardèche : l'hypothèse du rôle de la carrière reste plausible

Carrière Lafarge

© DR / DR

Parmi les données « critiques », celles qui sont capables de faire basculer la balance du côté de l'hypothèse d'un séisme « déclenché », il y a les enregistrements d'une station de mesure sismique, installée chez un particulier à proximité directe de la carrière par l'entreprise Lafarge avant que la terre ne tremble. Les mesures réalisées automatiquement le 11 novembre indiquent que le point de départ du séisme se situe dans le périmètre de la carrière, voire en plein milieu ! Or, si tel est le cas (les données sont en cours de réexamen), l'hypothèse du déclenchement du séisme par l'extraction de roche dans la carrière deviendrait alors la plus plausible de toutes.

L'exploration de cet « hypocentre » est un énorme enjeu pour les scientifiques. En effet, sa position dans une zone simple d'accès et à proximité de la surface permettrait de réaliser, pour la première fois au monde, un forage jusqu'au point de départ d'un séisme. Jamais un instrument humain n'a touché une telle zone. Cette observation in situ serait donc riche en enseignement pour comprendre et anticiper d'autres risques sismiques.

 

Doit-on craindre d'autres séismes ?

Faut-il craindre d'autres séismes dans la zone ? Les scientifiques ne font qu'aborder cette délicate question. Si l'on excepte la région de la faille qui a déjà fortement bougé le 11 novembre, le rapport indique qu'« il est envisageable que la redistribution des contraintes après le séisme favorise (avance, anticipe) le déclenchement d'un nouveau séisme sur les segments adjacents de la faille de la Rouvière ou sur les failles voisines ». Mais, selon les experts, le faible nombre de répliques – une dizaine quand on pouvait s'attendre à une centaine pour une telle magnitude – est plutôt un signe rassurant.

De son côté, le préfet de l'Ardèche a souhaité, « par mesure de précaution », adapter l'arrêté préfectoral autorisant les tirs de mine dans la carrière en limitant la vibration à 2 mm/s (soit 5 fois moins que la réglementation actuelle). « Ce niveau de vibration permettra la reprise en toute sécurité de cette activité non loin des constructions fragilisées. » La reprise des tirs se fera donc début janvier 2020 après information des élus. Contactée, la préfecture explique que les autres conditions d'exploitation – et notamment l'autorisation d'extension de la carrière – restent inchangées. Au final, et pour réajuster les mots de la préfecture, le rôle que la carrière du Teil aurait pu avoir sur ce séisme n'apparaît donc pas encore « négligeable ».

https://www.lepoint.fr/environnement/seisme-en-ardeche-l-hypothese-du-role-de-la-carriere-reste-plausible-18-12-2019-2353854_1927.php

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