Des domaines viticoles varois enfouissent des déchets provenant de chantiers de construction. La justice s’intéresse à ces pratiques illégales.
Sur son site Internet, le Domaine de Souviou vante des vins d’appellation côtes-de-provence et bandol d’une « qualité optimum ». Mais loin des regards, camions et pelleteuses déversent des « déchets inertes » (pierres, tuiles, verres, enrobés bitumeux…) sur 21,6 ha. Dans un document destiné à l’administration, le projet est ainsi formulé : "Fort de son rayonnement, le Domaine de Souviou doit désormais développer ses surfaces plantées […] Une fois les travaux de terrassement terminés, [ses parcelles] seront plantées de vignes ou d’oliviers."
La pratique surprend d’autant plus que le cahier des charges de l’appellation côtes-de-provence précise : « Afin de préserver les caractéristiques des sols qui constituent un élément fondamental du terroir, l’apport de terre exogène est interdit. » Autrement dit, aucune terre extérieure à l’aire de l’appellation d’origine contrôlée n’est tolérée.« Ça se fait partout »Pire encore, l’arrêté préfectoral de mise en demeure adressé à l’entreprise de BTP ECT, concernant le chantier dans le Domaine de Souviou, révèle « un apport important de terre en provenance du site pollué de La Loubières à Toulon ». Contacté, Souviou dit avoir été trompé par la société ECT.
Ces curieuses pratiques sont fréquentes. Le Château de l’Aumérade à Pierrefeu-du-Var (AOC côtes-de-provence) a reçu 287 000 tonnes de déblais provenant du chantier du tunnel de Toulon. Le domaine Saint-Laurent (même AOC), a lui aussi accepté des dizaines de tonnes de déchets. Là, les vignes ont déjà été partiellement replantées.
Le Château de Vaucouleurs à Puget-sur-Argens, en cours de reconversion en agriculture biologique, a aussi été dans le collimateur de la Dreal, un service régional du ministère de l’Écologie, pour le même motif. Le vigneron explique benoîtement : « Ça se fait partout ! Dans ce métier-là, c’est pas vu, pas pris. » Les associations de protection de l’environnement varoises ont identifié une quinzaine de vignobles ayant reçu des déchets.
Comment l’expliquer ? Le Var manque de décharges agréées. Mais c’est surtout très lucratif. Déverser dans une décharge légale coûte entre 8 et 10 € la tonne à l’entreprise. Chez des particuliers, 2 à 4 € la tonne. « Dans le Var, les politiques et les institutions ferment les yeux depuis des années », s’insurge Éric Tamburi, élu varois de Six-Fours (Debout la France). La justice s’est saisie du dossier.