Comme
à
Lacq
au
nord-ouest 77
«la prétendue culture du risque industriel dont se vantent industriels, politiques et leurs communicants est inexistante…. »
Paru dans le journal de l’environnement :
Le 07 mars 2016 par Romain Loury
Un site fermé en 2013
Dans les Pyrénées-Atlantiques, une association, la Sepanso, dénonce la lenteur des pouvoirs publics face à d’éventuels risques sanitaires encourus par les riverains du bassin industriel de Lacq. Rendant publique une étude épidémiologique de 2002, non publiée à ce jour, elle demande de nouveaux travaux à ce sujet.
Découvert en 1951, le gisement de gaz de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, a été exploité de 1965 à 2013. Au plus haut de son activité, dans les années 1960 à 1970, ce sont des milliers de tonnes de dioxyde de soufre et de dioxyde de soufre qui étaient dégagés chaque jour dans l’atmosphère.
En 2002, une étude épidémiologique avait été menée par l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (Isped, université Bordeaux 2) afin d’évaluer les retombées sanitaires pour les 22.000 personnes exposées à cette pollution. Une étude que, selon la Sepanso[i], «l’ARS a cherché à étouffer, cacher, dénigrer» de manière «particulièrement choquante».
SURMORTALITÉ DE 14%
Force est d’admettre que ses résultats sont plutôt inquiétants: sur la période 1968-1998, elle révèle une surmortalité, toutes causes confondues (hors celles de nature accidentelle), de 14% chez les moins de 65 ans par rapport à la zone témoin la plus éloignée, soit 136 décès supplémentaires pour les 1.124 décès recensés en 31 ans.
Pour les cancers, la surmortalité était supérieure de 15% chez les moins de 65 ans. Chez les plus de 65 ans, une même tendance apparaît pour la décennie 1990, avec un risque accru entre 33% et 39% selon la zone témoin utilisée. Pour les cancers de type respiratoire, l’Isped observe une hausse de 34% du risque chez les moins de 65 ans par rapport à la zone témoin la plus lointaine, mais jusqu’à 56% dans la décennie 1990.
Comme le pointait l’Isped, «ces résultats ne permettent pas de conclure en termes de causalité par rapport aux émissions de polluants», mais «ils évoquent l’hypothèse d’un possible impact de l’activité industrielle développé dans la zone de Lacq sur la population résidant à proximité du site». Raison pour laquelle, selon l’Isped, des études complémentaires seraient nécessaires.
PAS D’AUTRES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
A la place, les autorités, qui n’ont jamais rendu cette étude publique, ont lancé en 2004 une étude de risque sanitaire (ERS) de zone menée sur cinq polluants (dioxyde de soufre, dioxyde de fluor, dichlorométhane, acétaldéhyde, oxyde d’éthylène), donnant lieu à des plans d’action et de gestion pour ces substances.
Elles ont en revanche écarté l’idée d’une nouvelle étude épidémiologique, comme l’avait recommandé l’Isped. Lors d’une audition par le Haut conseil de la santé publique (HCSP), un représentant de la direction départementale des affaires sociales et sanitaires (Ddass) des Pyrénées-Atlantiques[ii] en donnait une raison étonnante: «dans le cas de Lacq, la demande sociale vis-à-vis de l’environnement ou de problèmes de santé repérés n’est pas très importante. Le lancement d’une étude fait courir le risque, dès lors, de briser la paix sociale, la population étant amenée à penser que les investigations en cours sont motivées par la suspicion de problèmes».
UN «OUBLI» REMARQUÉ PAR LA COUR DES COMPTES
Fin janvier 2015, la Cour des comptes revenait sur la question, dans un référé sur la gestion publique de la mutation industrielle du bassin de Lacq: elle y observait aussi que la recommandation de l’Isped, appuyée par l’Institut de veille sanitaire (InVS), de mener d’autres travaux épidémiologiques, n’avait pas été suivie.
Dans sa réponse à la Cour des comptes, le ministère de l’écologie se montrait favorable à une étude épidémiologique, tandis que celui de la santé penchait plutôt pour une actualisation de l’étude de risque sanitaire (ERS) de zone, élargie à l’ensemble des pollutions passées.
Pour la Sepanso, «les études de risques sanitaires de zone (ERSz) ont leur utilité mais ne remplacent pas l’observation des études épidémiologiques. Les études ERSz sont des modélisations à partir de polluants identifiés pour une population donnée. Comme nous le disons et comme le souligne la Cour des comptes, elles ne prennent pas en compte la pollution globale et l’effet cocktail».
Appuyée par plusieurs élus locaux, l’association estime que «la prétendue ‘culture du risque industriel’ dont se vantent industriels, politiques et leurs communicants est inexistante à Lacq. Les risques sont passés sous silence. Tout a été fait et continue à être fait depuis 2002 pour occulter l’étude de l’Isped: il y a bien une surmortalité à Lacq».
[i] Société pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest
[ii] Les Ddass ont depuis été absorbées par les agences régionales de santé (ARS).
http://www.journaldelenvironnement.net/article/lacq-un-risque-sanitaire-ignore,67971?xtor=EPR-9