Sébastien Roselé | 21 Déc. 2015, 19h08 | MAJ : 21 Déc. 2015, 18h20
L’entreprise Difachimie dans la zone industrielle de Mitry-Compans, jeudi dernier. Les services de la préfecture ont mené une inspection qui a révélé que la société qui manipule des produits très dangereux n’était pas en règle. (LP/S. R.)
Un « gérant » et « des salariés » qui « n’ont aucune connaissance en chimie ». Un stockage des produits chimiques « anarchique ». Des fûts qui fuient ou encore « une forte odeur de produits chimiques dans les locaux ». Les services de la préfecture qui ont inspecté la société Difachimie ce 10 décembre n’y sont pas allés de main morte dans leur rapport (*). Il faut dire que dans cette entreprise basée dans la zone industrielle de Mitry-Compans et qui manipule des produits chimiques parfois très dangereux, les règles de sécurité étaient loin d’être respectées.
Tout commence le 23 octobre. Une entreprise remplace une canalisation d’écoulement des eaux de pluie aux abords des locaux de Difachimie. Les salariés ont non seulement constaté que « la canalisation en béton était complètement corrodée » mais en plus ils ont été « incommodés par les émanations » provenant de ce gros tuyau.
La direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (Driee) a décidé de mener une inspection quelques jours plus tard, le 10 décembre, donc, dans cette société soumise à déclaration.
Le rapport de la Driee est accablant. (LP/Infographie)
Cette entreprise qui compte une vingtaine de salariés dont quatre sur le site de Mitry-Compans achète, stocke, opère des mélanges pour obtenir de nouveaux produits, des détergents industriels, qu’elle revend ensuite. Elle « formule » 12 000 à 15 000 litres de ces nouveaux produits, soit 2 000 à 3 000 litres par jour. Elle réalise un chiffre d’affaires de 4 M€ pour 300 000 € de bénéfices.
La Beuvronne polluée ?
Parmi les produits manipulés, la Driee a relevé la présence de « l’acide fluorhydrique » qui est « mortel par inhalation ». Et ces mélanges sont faits par des personnes qui ne sont pas formées et qui ont « des équipements de protection individuelle […] insuffisants ».
Du côté des associations de protection de l’environnement, comme Mireille Lopez, présidente d’Adenca, on s’inquiète surtout pour les eaux usées de Difachimie qui ont pu être rejetées dans le cours d’eau local, la Beuvronne. « Elle se jette dans la Marne, explique Mireille Lopez, juste en amont de la station de pompage d’eau potable. On boit cette eau. Des produits chimiques sont peut-être présents et ne sont pas détectés. » Du côté de la Driee, qui partage cette inquiétude, on explique que « des inspections sont en cours. Des teneurs importantes de certaines substances dans les terres au niveau d’une canalisation ont été trouvées. Mais il faut enquêter davantage. »
Pour chaque anomalie relevée, la Driee a fixé des délais pour que Difachimie se mette en règle. Des délais allant de vingt-quatre heures à dix jours. Une nouvelle inspection, début 2016, sera menée.
Paul Gangemi, co-gérant de Difachimie, ne nie pas qu’il y ait pu y avoir des rejets d’eaux souillées par le passé. « Ça a dû arriver sûrement un peu. J’ai eu des problèmes avec un employé qui a été licencié depuis. » Mais selon lui, depuis lors, tout a été réglé et les eaux usées sont recyclées. Pour le reste, il minimise les éventuels dangers de son entreprise. « On n’a pas fait d’études de chimie mais on connaît un minimum. On ne fabrique pas des bombes. On mélange des poudres avec de l’eau ou de l’alcool. Ça ne demande pas un niveau d’études exceptionnel. »
Quoi qu’il en soit, la Driee a transmis son rapport au parquet de Meaux « pour information ». On ignore si des poursuites seront engagées.
* Le rapport est consultable en ligne ici.
À la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (Driee), ils sont trois mais bientôt quatre. Oui, quatre inspecteurs pour surveiller les sept sites Seveso (trois seuil haut, quatre seuil bas) mais aussi la trentaine d’entreprises soumises à autorisation et les quatre-vingt-dix autres soumises à déclaration que compte la zone industrielle de Mitry-Compans. Ce n’est clairement pas assez. Sur l’ensemble de la Seine-et-Marne, ce n’est guère mieux. Une vingtaine d’inspecteurs de cette même Driee ont à suivre les 38 sites Seveso auxquels s’ajoutent les plus de 500 entreprises soumises à autorisation et les plus de 2 000 soumises elles à déclaration. Commentaire de Guillaume Bailly, chef de l’unité territoriale de la Driee 77 : « On ne peut pas visiter tous les sites car nous ne sommes pas assez nombreux. Nous priorisons les visites sur les sites à enjeux pour l’environnement. »