Il est vrai qu’en Seine et Marne la Chambre d’Agriculture semble bien muette quand des terres agricoles se transforment en décharges.
Quand Adenca lui adresse un courrier pour attirer son attention elle ne répond même pas.
La chambre d’agriculture de Seine et Marne ne parle pas de ses agriculteurs propriétaires terriens qui vendent ou louent leurs bonnes terres agricoles de Brie pour y déverser des ordures : pour exemple Charny, Annet sur Marne, Fresnes sur Marne….
Il serait peut-être temps qu’elle se penche sérieusement sur ce dossier.
Le 14 septembre 2016 par Marine Jobert
Voulue par le monde agricole pour freiner l'urbanisation des terres, la compensation collective agricole fait hurler les aménageurs.
Branle-bas de combat chez les aménageurs français. Du concepteur d’autoroute au constructeur de maison ou d’appartement en passant par l’édificateur de centres commerciaux, on s’arrache les cheveux sur une nouvelle mesure glissée dans la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014. Son nom: la compensation collective agricole. Son objectif: freiner la consommation de terres agricoles par les projets d’aménagement. Son mode d’action: la prise en charge par les aménageurs des«conséquences négatives des projets sur l'économie agricole». Même si le triptyque «éviter, réduire, compenser» cher à la compensation environnementale figure en toutes lettres dans le nouvel article L.112-1-3 du Code rural, beaucoup y voient une machine à alourdir les délais, à renchérir les projets et, surtout, à soutenir une filière en crise. «Ils ont créé un monstre», résume un représentant du secteur de la construction.
80.00 HECTARES PERDUS PAR AN
‘Ils’, ce sont la FNSEA et les chambres d’agriculture, qui sont parvenues à faire insérer la mesure par amendement pendant la discussion sur la loi d’avenir pour l’agriculture, sans consultation préalable avec les aménageurs. «Jusqu’ici, les aménageurs considéraient la terre comme un bien dans lequel ils pouvaient puiser en se donnant bonne conscience en indemnisant les agriculteurs, sans se soucier de l’avenir économique de l’agriculture», explique Michel Thomas, le sous-directeur en charge des questions de territoire à la FNSEA. Selon l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF), quelque 80.000 hectares de terre agricoles sont perdus chaque année.
Le nouvel article L.112-1-3 du Code rural dispose que «les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole, font l'objet d'une étude préalable comprenant au minimum une description du projet, une analyse de l'état initial de l'économie agricole du territoire concerné, l'étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet, ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l'économie agricole du territoire.»
PUBLICATION SURPRISE AU JO
Courant 2015, les services de Stéphane Le Foll réunissent les parties prenantes à plusieurs reprises pour discuter des modalités du décret qui devrait mettre le dispositif en musique. «Mais on n’a jamais eu de texte entre les mains», se rappelle un participant. Le processus s’arrête soudainement en octobre 2015 et, surprise, ledécret qui détermine les projets pouvant donner lieu à ces mesures de compensation est publié le 31 août 2016 au Journal officiel.
CONDITIONS DE L’ÉTUDE PRÉALABLE
Que dit le texte? Il prévoit qu’une étude préalable doit être réalisée par le maître d’ouvrage, qui analysera l'état initial de l'économie agricole du territoire concerné et les effets positifs et négatifs du projet sur cette économie agricole (sur l'emploi, évaluation financière globale des impacts, y compris les effets cumulés avec d'autres projets connus). Le maître d’ouvrage devra détailler quelles mesures il envisage pour «éviter et réduire les effets négatifs notables du projet» et, le cas échéant, «les mesures de compensation collective envisagées pour consolider l'économie agricole du territoire concerné, l'évaluation de leur coût et les modalités de leur mise en œuvre.»
DE 1 À 10 HA
Ne seront concernés que les projets qui par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont systématiquement soumis à une étude d’impact au sens du Code de l’environnement. Une évaluation dont le périmètre, le contenu et les procédures viennent d’être profondément revus pour se conformer aux exigences du droit européen, avec pour effet de faire baisser le nombre de projets qui y seront dorénavant soumis. Concrètement, il faudra que le projet soit situé en tout ou partie sur une zone agricole, forestière ou naturelle, qui est ou aura été affectée à une activité agricole dans les trois ou cinq années précédant la date de dépôt du dossier. La surface prélevée pour déclencher l’étude préalable est fixée par défaut à 5 ha, mais pourra être modulée par le préfet de 1 à 10 ha selon le contexte local.
CDPENAF JUGE ET PARTIE
Et concrètement, comment ça marche? «On aimerait bien le savoir!», crient en chœur les acteurs de la construction. «Cela n’est pas d’une évidence biblique», reconnaît-on à la FNSEA. «On nous demande d’analyser une chaîne économique complexe, à partir de données compliquées à obtenir pour l’opérateur -dont ça n’est ni le métier, ni le secteur-, qui seront fournies par le monde agricole lui-même, ce qui pose des questions d’impartialité», note-t-on à la Fédération française du bâtiment (FFB). «On se demande à qui on va adresser nos offres de compensations…», interroge Olivier Viano. Le président du comité ‘Droit de l’environnement’ du Medef se dit «très dubitatif sur l’applicabilité» de la procédure, notamment parce que l’étude préalable va être transmise par le préfet à la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers[1](CDPENAF) (à laquelle siège notamment les professions agricoles), «qui pourrait donc se retrouver juge et partie». Quelle est la valeur juridique de l’avis que rendra la commission? Mystère: le décret n’en dit rien. «Si cette décision faisait grief, c’est devant le juge administratif qu’il faudrait engager un recours. Et il devrait alors dépêtrer des questions d’indemnisation entre secteurs marchands»,anticipe Olivier Viano, épouvanté par ce cas sans précédent.
INDEMNISATION ENTRE SECTEURS MARCHANDS
Car on touche là au cœur du principe même de cette compensation collective agricole: où commence et où s’arrête «l’économie agricole» décrite par le décret? «Nous demande-t-on de faire un chèque pour compenser les atteintes à toute la filière?, s’interroge la FFB. Est-ce qu’on indemnise jusqu’au vétérinaire parce qu’un éleveur disparaît à cause d’un projet?» La FNSEA a été«mise en garde: c’est la première fois qu’est instituée une indemnisation pour atteinte à un secteur économique par un autre secteur économique. Vous imaginez si, demain, le secteur touristique demande des comptes au monde agricole pour les algues vertes?!» La FNSEA a fourni quelques exemples, souvent flous. Comme cette zone d’activité à construire, qui conduit un éleveur impliqué dans une coopérative à cesser son activité (elle-même indemnisée à titre individuel, et souvent généreusement). Pourquoi ne pas faire financer par le maître d’ouvrage un atelier de découpe qui bénéficiera à la coopérative?
DÉLAIS RALLONGÉS
Les aménageurs se plaignent à haute voix des délais rallongés et des surcoûts de la mesure.«L’objectif n’est pas de leur empoisonner la vie ou de figer les territoires, assure Rik Vandererven, de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l’agriculture, qui estime que l’étude préalable est «juste une étude supplémentaire à faire, qui n’aura pas d’incidence en termes de délai», puisque le préfet est tenu de statuer dans un délai de 4 mois sur les mesures compensatoires proposées, un délai qui couvre peu ou prou les autres procédures. Sans réponse de sa part, les mesures de compensation sont réputées acceptées. «Certes, il s’agit d’une instruction en temps masqué pendant l’instruction du dossier,explique Olivier Viano. Mais ça fait tout de même une étude supplémentaire, dont on se demande bien à quel expert on va la confier.»
TOUT RESTE À FAIRE
Beaucoup de questions, donc, que les aménageurs auraient aimé voir résolues dans le décret. «Ça va se construire», assure Michel Thomas, de la FNSEA. Les aménageurs, eux, considèrent surtout«qu’on ne peut pas faire peser l’instabilité du secteur agricole sur un secteur [du bâtiment] qui repart à peine». Au ministère de l’agriculture, on espère que la mesure «assainira les pratiques en rééquilibrant les indemnisations individuelles au profit du collectif». A suivre.
[1] Qui s'est substituée à compter du 1er août 2015 à la commission départementale de consommation des espaces